LE REDACTEUR (OCTOBRE 2014)

C'est ainsi que les Japonais décrivent "La poignante mélancolie des choses".

"Mono no Aware" est un concept esthétique et spirituel japonais, pouvant être traduit comme "L'empathie envers les choses" ou "La sensibilité pour l'éphémère".

 

Le "Mono no Aware" ou le pathos des choses. Ainsi la tristesse et/ou le caractère tragique d’un événement reflète une certaine beauté. On pourrait parler d’une beauté lunaire en référence à la Comedia del Arte, et au personnage lunatique et romantique de Pierrot plutôt qu'aux inconstances multicolores d’Arlequin.

La beauté du caractère éphémère de la vie est traditionnellement représentée par le printemps japonais, aussi court que spectaculaire. En particulier, la floraison des cerisiers, la célèbre "Sakura" montre que l’intensité sensorielle est inversement proportionnelle à la durée. Le front de la floraison, qui remonte depuis le sud, est suivi par tous les médias pendant les dix jours que dure l’événement (Entre l’éclosion du premier bourgeon et la chute du dernier pétale). Le paroxysme de la floraison n’est pas considéré comme le plus esthétiquement parfait. L’ultime beauté n’est atteinte que quand les pétales commencent à tomber en une pluie de confettis roses. C’est alors qu’on peut mesurer la décharge esthétique de cette étincelle de vie.

Kano Eino Suntory "Birds and Flowers of Spring and Summer" - Musée des Arts Asiatiques (Nice)
Kano Eino Suntory "Birds and Flowers of Spring and Summer" - Musée des Arts Asiatiques (Nice)

Au Japon, les vraies richesses sont périssables.

L’idéal nippon aspire à un monde immatériel. Les philosophies asiatiques sont très claires au sujet de l’attachement au monde matériel. Le matérialisme est un marché : Le confort relatif qu’il procure s’accompagne du cortège de ses angoisses. Avec l’opulence vient la perspective de la perte. Vanter la beauté de l’éphémère empêche toute complaisance dans le bien être matériel et permet donc de s’approcher des limites de l’immatériel. Et les angoisses existentielles obéissent à la même logique.

 

ANECDOTE :  Un prince était très fier d’une série de vases qui lui avaient été transmis par ses ancêtres. Il avait affirmé que celui qui aurait l’audace de briser l’un d’entre eux serait décapité sur-le-champ. Un jour, sa favorite, jalouse de sa passion, commit l’irréparable pour tester son amour : elle cassa une des porcelaines. Le prince, amoureux, ne mit pas sa menace à exécution. Mais, quand elle lui avoua qu’elle avait agi délibérément, il entra dans une rage folle. Il brisa chaque vase de ses mains. Puis la décapita. Le fait qu’elle ait soupçonné, ne serait ce qu’un instant, qu’il puisse lui préférer un objet lui était insupportable.

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Commentaires: 1
  • #1

    Le Marginal Magnifique (jeudi, 30 octobre 2014 16:51)

    Instructif ! et empreint d'une sagesse qui me parle.

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