RED DINGUE DE VOUS (OCTOBRE 2014)

On s'est rencontré sur un banc, devant la Maison Yo. Je lisais "Les Souvenirs" (David Foenkinos), ils cochaient au marqueur des villes sur une carte immense. Elle s'est excusée de la place qu'ils prenaient, dans un français impeccable. On ne devrait jamais s'excuser de la place que l'on prend, que ce soit dans la vie ou sur un banc.

Il est breton, elle est anglaise. A eux deux ils ont un demi siècle. Et au moins 50 raisons de prendre le large. Ils en partagent quelques unes. Comme on partage une brosse à dent. Le mot "Liberté" revient souvent. Même s'il ne revêt pas toujours le même sens. Il est libre de faire ce qu'il veut. Elle est libre de se réinventer. A ma gauche un refus de sujétion, à ma droite l'ébauche d'une possibilité. A l'instant T, ils sont libres de poser leur sac, et de changer de chaussures. Libres de parler sémantique face à la mer, aussi. "What's the difference between liberty and freedom?" hasarde-t-elle. "Not sure . . . Liberty may be innate. While Freedom may be taken/won." Mais rien à voir avec le tissu à fleurs, a priori ! We laugh heartily. Elle le taquine. Il a faim. Elle a mal au dos. Ils puent des pieds. Leur duo semble bien rodé.

Il y a 6 mois il était employé de mairie dans le Finistère. Elle était ce qu'elle pouvait dans son Douvres natal. Ils ont quitté leur Bretagne respective un jour semblable à tous les autres. (Un jour de pluie, à n'en pas douter.) Pour se retrouver à quai dans le Paris de Woody Allen. Depuis, ils font route vers le Sud. "Due South", comme ils disent. Et tandis qu'ils évoquent les Îles Grecques, me reviennent en tête des images de la police montée canadienne (Cf. "Un Tandem de Choc"). "Due South". Possiblement jusqu'en Turquie. Pour y rencontrer d'autres Hommes, libres de vivre. Libres d’avoir faim. Que les terres ROUGES enchaînent jusqu’à demain.